A propos de la transcription
Transcrire, pour six musiciens, ces pages de la Tétralogie de Richard Wagner ressemble évidemment à un coup de folie. C’en est un sans aucun doute. Toutefois, à y regarder de plus près, pas autant qu’on veut bien le croire…
Pierre Boulez fait observer que, contrairement aux idées reçues, la Tétralogie est très souvent une musique intimiste, que sa nature est alors de l’ordre de la musique de chambre tant la douceur et la tendresse sont des notions absolument essentielles du drame wagnérien. Le Piano Ambulant n’a pas évité les pages les plus puissantes de la partition, telles "la descente à la forge" ou "la chevauchée des Walkyries", parce que d’une part elles sont une facette incontournable de l’œuvre, et que d’autre part elles représentaient pour la compagnie un défi qu’il lui plaisait de relever. Avec leurs instruments acoustiques et amplifiés, avec guitare basse, micros et pédale d’effets, bibliothèques d’échantillons sonores et objets hétéroclites, les six musiciens du piano ambulant apportent leur regard sur une légende ancestrale.
La question souvent posée à propos de « Comment Siegfried tua le dragon, etc » est : « avez-vous des chanteurs ?» La réponse est non, par choix artistique. Toutefois, contrairement à Lorin Maazel dans son adaptation «The Ring without word », il y a des mots que nous avons cousus sur mesure. Concrètement, la narration est traitée sous forme de mélodrame : la voix parlée est intégrée à la partition comme une ligne instrumentale et circule entre les musiciens qui incarnent les personnages, tandis qu’une actrice, Jessica Pognant, tient le rôle de la narratrice. La transcription pour un effectif réduit à six provoque la recherche, la découverte de sonorités nouvelles. Le chant cède la place à la voix parlée, permettant une narration resserrée et incisive.